Τετάρτη 2 Δεκεμβρίου 2020

LA SOLITUDE

Léo Ferré

 

Je suis d'un autre pays que le vôtre

D'un autre quartier, d'une autre solitude.

Je m'invente aujourd'hui des chemins de traverse.

Je ne suis plus de chez vous, j'attends des mutants.

Biologiquement je m'arrange avec l'idée

Que je me fais de la biologie: je pisse, j'éjacule, je pleure.

Il est de toute première instance que nous façonnions nos idées

Comme s'il s'agissait d'objets manufacturés.

Je suis prêt à vous procurer les moules.

Mais... La solitude... La solitude...

 

Les moules sont d'une texture nouvelle, je vous avertis.

Ils ont été coulés demain matin.

Si vous n'avez pas dès ce jour, le sentiment relatif de votre durée,

Il est inutile de vous transmettre, inutile de regarder devant vous car devant c'est derrière

La nuit c'est le jour.

Et.. La solitude.. La solitude..

 

Il est de toute première instance que les laveries automatiques

Au coin des rues,

Soient aussi imperturbables que les feux d'arrêt ou de voie libre.

Les flics du détersif vous indiqueront la case

Où il vous sera loisible de laver

Ce que vous croyez être votre conscience

Et qui n'est qu'une dépendance de l'ordinateur neurophile

Qui vous sert de cerveau.

Et pourtant... La solitude... La solitude...

 

Le désespoir est une forme supérieure de la critique.

Pour le moment, nous l'appellerons «bonheur»

Les mots que vous employez n'étant plus «les mots»

Mais une sorte de conduite à travers lequels

Les analphabétes se font bonne conscience.

Mais... La solitude... La solitude...

 

Le Code civil nous en parlerons plus tard.

Pour le moment, je voudrais codifier l'incodifiable.

Je voudrais mesurer vos danaïdes démocraties.

Je voudrais m'insérer dans le vide absolu et devenir le non-dit,

Le non-avenu, le non-vierge par manque de lucidité.

La lucidité se tient dans mon froc!

Dans mon froc!


***


SOLITUDE

Léo Ferré


I am from a different country than yours,

From a different neighborhood, from a different solitude.

Today I invent myself new side roads.

I’m no longer one of you, I’m waiting for the mutants.

Biologically I’m settling for the idea

That I’m made up by biology: I piss, I ejaculate, I cry.

It’s from the very first instance that we made our ideas

Like if we were talking about manufactured objects.

I am ready to provide you with the molds.

But... solitude... solitude...

 

The molds have a new texture, I must warn you.

They were cast tomorrow morning.

If you haven’t up until this day the relative sentiment of your lasting,

It is futile to transmit it to you, futile to look past you for what’s ahead is behind

Night is day.

And... solitude... solitude...

 

It is at first instance that our automatic washing machines

At street corners,

Be as imperturbable the lights that decide if you’re stopped or clear.

The cops from the cleaners will show you the one

Where it would be permissible for you to wash

That what you believe to be your conscience

And what isn’t an addiction to the neuro computer

That acts as your brain.

And yet... solitude... solitude...

 

Despair is a superior form of critique.

For now, we’ll call it: “happiness”

The words that you use no longer being “the words”

But a way of traveling through which

The illiterate obtain a clear conscience.

But... solitude... solitude...

 

The Civil code we will talk about later.

For now, I would like to codify the uncodifiable.

I would like to measure your Danaïde democracies.

I would like to insert myself into the absolute void and become the unspoken,

The nonexistent, the nonvirgin by lack of lucidity.

Lucidity is in my pants!

In my pants!

 

Texte : Léo Ferré

Album : La Solitude (1971)

Genre : Spoken words, Rock Progressif



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